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Considérez cet article comme une suite à « Le cimetière des artistes africains ».

Je tiens à dire une chose avant tout. J’ai plein d’amis africains adeptes de la
musique urbaine africaine. Certains, peu, ont aussi une connaissance de la
musique traditionnelle africaine. Je plébiscite la musique traditionnelle
africaine et j’aime aussi certaines musiques urbaines africaines. Mais dans
l’acception généralisée, le terme de musicien africain s’adresse d’emblée au
musicien urbain. Le nœud du problème se pointe quand celui-ci se positionne
comme représentant le monde traditionnel, en s’exprimant en leur nom.

Parce que quelques fois, il va emprunter à une ethnie, un riff, un pattern rythmique et il enfume tout le monde en faisant croire à de la musique africaine. Le tout encadré par un logiciel générant en boucle psychotique un insipide logarithme musical dédié avant tout à une configuration occidentale.

La plupart d’entre eux n’a jamais appris ni joué auprès d’un ancien.

La seule et vraie question à se poser :

       Comment peut-on véhiculer une culture qu’on n’a pas appris ?

Ce musicien-là transfert son affect culturel dans son nouvel environnement
occidental. Cela veut dire qu’il arrive avec des émotions qui modifient
absolument ses capacités à distinguer ces nouvelles réalités. Voilà pourquoi de
représentation erronée en mauvaise interprétation, il ne fera que se dévoyer.  

La situation du musicien africain est grave car en tant qu’artiste il ne perçoit
essentiellement qu’avec son cœur, comme la majorité des artistes par ailleurs.
La raison l’habite très peu en plus du fait de sa méfiance prégnante, héritage
de tout ce que son histoire (esclavage, colonisation) lui a fait subir comme traumatisme.

Donc en contact avec d’autres cultures, l’artiste africain se sent acculé. En effet, quand deux cultures se croisent, les présentations sont de rigueur. Et c’est ainsi que notre artiste africain essaiera de reproduire une image supposée d’une culture africaine qu’il n’a jamais apprise.

En esquissant deux pas d’une danse tribale, en chantant deux phrases dans une langue non-parlée au quotidien, en égrainant une banale gamme de do majeure (loin de sa pentatonique ancestrale) sur une guitare électrique (puisqu’il ne sait jouer d’aucun instrument traditionnel), le musicien africain en occident créé de l’illusion culturelle. Il saupoudre son insipide production d’un faux ingrédient d’africanité et le tour est joué. Avec la complicité de son éternel public non exigent.

Les accords qui découlent de leurs arrangements musicaux sont systématiquement ceux de l’harmonisation d’une rebattue gamme
diatonique majeure. Jamais un peuple n’a enchaîné autant la sempiternelle
boucle de deux mesures de Do-Fa-Sol7 ou Sol-Do-Ré7…

Jamais on ne retrouvera l’harmonisation de la gamme pentatonique de leurs anciens. Seuls ceux des villages les utilisent au quotidien.

Quand ils sont acculés dans la cité urbaine ou lorsqu’ils doivent se confronter aux autres cultures, comme des vautours, on les voit roder autour des anciens en quête d’inspiration ou pour tout simplement piller des valeurs qu’ils ont toujours minorées.

Je vais vous parler de l’exposition universelle pour que vous saisissiez l’ampleur du désastre.

L’exposition universelle

La motivation première de l’exposition universelle en Europe était l’éducation des visiteurs occidentaux. C’est sous ce prétexte là que nos anciens avaient été exhibé dans ce qu’on a appelé « Zoo humain ». Pratique infâme en direction du peuple noir dont nous portons encore aujourd’hui les stigmates. La théorie de l’évolution de Charles Darwin assurait à l’exposition universelle un vernis scientifique (le plus fort éliminera le plus faible et ainsi la sélection naturelle se fera). Il fallait exhiber les faibles pour se sentir fort enfin.

On a parlé un moment d’industrie du spectacle qui s’approvisionnait en matière première humaine dans les colonies. Nos anciens ont été exhibés selon les attentes de la gloutonnerie Occidentale. Le blanc veut se goinfrer de sauvage, de cannibale, de sous-homme, d’indigène, de spécimen, d’animaux…

Après  cette hyperphagie de l’occident, seule une anorexie passagère viendra pour un temps au secours de nos aînés. On commença alors à parler de l’échec de la mission civilisatrice de l’Occident malgré le gros appétit du public occidental pour ce genre de spectacle.

Mais c’était sans compter le cinéma. Celui-ci avait repris la main pour projeter des images de sous-civilisés.

L’exhibition du noir devient de plus en plus subtile. La télévision occidentale devient elle aussi, un grand vecteur de cette exposition, pour un public complaisant.

Et voici un autre élément de réflexion

Aujourd’hui, et c’est là l’objet de ma colère, la gestion du spectacle nous a été refilé. J’avais écrit un temps : « Le spectre du danger qui amplifie notre péril n’est pas ténu. Il s’est plutôt affiné avec une palette infinie de propositions. Il est dorénavant subtil : Nous ne sommes plus directement menacés par le conquistador. Celui-ci nous a gracieusement fait cadeau de son mousqueton. Et depuis, on s’étripe pour savoir qui sera le meilleur serviteur du maître ». 

Épilogue

Tout comme l’exposition universelle dont on exècre la pratique, l’africain se met lui-aussi à exposer les siens. Depuis quelques temps, cela consiste à aller dénicher des artistes de nos tribus et à les soumettre à diverses formes d’exploitation : Certains exploitants viennent de l’Occident pour les étudier, encore et encore. Quand on gratte un peu, on découvre qu’ils viennent s’offrir une visibilité à moindre coût.

Déjà en temps normal, l’artiste traditionnel africain peine matériellement à se rendre dans la capitale de son pays. Devinez sa réaction quand il se voit offrir gracieusement un billet d’avion pour l’Europe. Va-t-il pouvoir résister au coca-cola, au McDo, à la casquette de baseball ? Non. Ces choses-là ont déjà fait qu’une bouchée de nos enfants en Europe. Alors pour un blédard africain (avec tout mon respect) !!!

Voilà comment cela se passe : On demande à des artistes traditionnels de
s’adapter à un projet sans le consentement de la tribu, de ne plus être
eux-mêmes. « Installe-toi là, regarde par-là, joue comme ceci… »

Bien entendu, ils vont revenir avec un casque audio, comme seul gain de leur expédition au « Kong haut », qu’ils porteront dans un improbable environnement de la savane africaine. Ils raconteront à leurs enfants leur voyage à Vingt mille lieux sous la terre à bord du métro.

Les nôtres deviennent à nouveau des bêtes de foire et cette fois avec notre assentiment, celui de nos gouvernances qui n’y trouvent rien à redire. Il ne peut rien être reprocher toutefois à ses derniers car ils n’ont pas l’occasion réflexive de la situation. Ils ont d’autres urgences.

Salut Maître, ceux qui vont s’humilier te saluent

(Avē Cæsar, moritūrī tē salūtant)

Voilà ce qui se joue. C’est très moche. Nous sommes au XXIème siècle. Il y a quelque chose à faire mais cela va prendre du temps.

Mais déjà en parler donnera à réfléchir aux futurs apprentis-négriers 2.O !!!

À bientôt.

Stanislas Banda
Inji balé, Ocho balé
Uzu balé, ama balé