Marlène Co-Bédaya N’Garo

Aujourd’hui, je vous présente une amie, une très grande amie, en réalité une sœur car aussi loin que je m’en souvienne, nous nous connaissons depuis nos adolescences. D’abord en Centrafrique, ensuite en France.

Marlène est l’un des meilleurs représentants de la musique centrafricaine. Elle est multidisciplinaire : chanteuse, parolière, guitariste, pianiste, flûtiste, …

Elle est un troubadour des temps modernes à travers badinage rustique, complainte, évocation, joie et gaîté… Elle a reçu en dotation personnelle une âme poético-lyrique gage de notre préservation patrimoniale. Son marqueur musical est un signe d’humanisme. Au nombre de ses dons altruistes : L’espoir, la joie, …

Son jeu épuré ne s’embarrasse pas de superflus. On retrouve dans ses arrangements de la légèreté, de l’essentiel. Elle recourt entre autres à des éléments du patrimoine tribal ethnique centrafricain. Mais ce qui marque son écriture, c’est une invitation permanente de l’auditeur à une prise de conscience de l’essentiel.

Loin des délétères négativistes, Marlène sème du vivre ensemble. Au sein d’un monde où la musique offre de moins en moins du sens, en raison de la bouillie musicale ambiante, Marlène nous insuffle la suprême brise. Elle rappelle aux assoupis leur devoir de mémoire, d’éducateur car nous le savons, la misère ne laisse pas ce loisir. Elle fait partie de ceux que je nomme « Les gardiens du temple ».

Un jour, nous romprons avec notre malédiction et nous serons heureux à ce moment-là de retrouver ce que Marlène a mis de côté pour nous. La culture dont nous relevons, nous a-t-elle accompagné dans une immanence temporelle ? NON. Notre temporalité culturelle a été émaillée de contretemps colonisateurs, d’accidents à la clé d’une musique terroriste, de bémols esclavagistes, du silence des affamés de la planète pauvreté. Il y a longtemps que notre musique ne raconte plus de vérité, ni de poésie, ni d’épopée sinon que de parler de convivialité de gens malheureux où l’alcool a remplacé l’eau désaltérante des travailleurs du dur labeur.

Et Marlène dans tout cela ? Elle nous replace au cœur de notre humanité.

Elle pratique le chant, l’expression musicale la plus noble. Sa voix en « sprechgesang » déclame des mélodies originales et inséparables du texte poétique de caractère lyrique. 

Marlène Co-Bédaya N’Garo

Vous n’êtes pas sans savoir que très bientôt, je vais assister les enfants d’un village en Centrafrique. Dans ma recherche des personnes-ressources, j’ai pensé naturellement à Marlène. Et bien m’en a pris, elle a répondu illico à l’inverse des promesses habituelles de mes amis de la diaspora. Marlène m’a remis des Cds et des textes de ses chansons que j’utiliserai comme support dans l’animation musicale de mes classes de soutiens scolaires. Cela me chagrinait d’avoir à apprendre de la musique aux enfants avec des chansons hors contexte culturel.

Ce qui m’emmène à vous présenter un peu plus sérieusement Marlène :

Marlène a été Professeur d’Anglais en région parisienne après un DEUG d’Anglais à la Fac de lettres de Bangui et une Maîtrise d’Anglais à la Sorbonne Paris. Outre un 1er Prix de composition chant choral, et un Diplôme d’État en spécialité Chant musiques actuelles Jazz et guitare, Marlène a été Chef de chœur et Professeur de chant dans plusieurs conservatoires en France.

Mais ce qui est sain avec cette femme, c’est qu’elle n’a pas eu besoin de brandir tous ces lauriers pour faire ce qu’elle a à faire.

Depuis 1995, elle donne des concerts en France, en Allemagne, en suisse et au Québec.

En ce moment, elle poursuit ses concerts en tant que chanteuse et guitariste dans un groupe de musique africaine : KALUWO ; en tant que choriste dans un groupe Reggae et en tant que chanteuse dans un orchestre de Jazz de New-Orleans.

Marlène a plus d’une quinzaine de Cds à son actif avec entre autres les groupes Man D’Dappa, Kaluwo et autres collaborations. Certains sont des créations de contes musicaux, de chansons pour enfants utilisés par les Professeurs des écoles et des médiathèques.

Franchement le parcours de Marlène est si étoffé que je m’oblige à ne faire qu’un résumé. Mais quel résumé !!!

Kaluwo

Voilà ce qu’elle me répond à propos de son art : « Depuis mon enfance, j’ai
toujours rêvé d’être guitariste et je n’avais jamais imaginé de devenir
chanteuse… Mais au fur et à mesure des années passant, il y a eu sur mon chemin,
plusieurs opportunités et cela m’a permis d’en faire véritablement mon métier ».

À la question : Pourquoi l’enseignement de la musique ? Voilà sa
réponse : « Parce que je veux permettre et aider l’élève
(adolescent/adulte) à élaborer et à réaliser son projet musical avec plaisir et
finalement à faire de la musique (chant ou instrument) avec d’autres personnes.
J’enseigne la musique et je me considère comme facilitateur d’apprentissage. Je
rends aisé un apprentissage en créant les conditions nécessaires pour que l’envie
soit toujours là ».

Et à la question : Pourquoi donner des concerts ? Marlène répond : « J’aime
donner des concerts pour faire découvrir et partager mon univers avec le
public. À chaque concert, il y a au moins deux chansons auxquelles je demande
au public de chanter avec moi. Elles sont en Sango et très faciles à chanter
(Siriri na dounia /Kamba ti bê ti mbi). Le public le fait de bon cœur. Durant
le concert, comme je chante en Sango (Centrafrique), en Dioula et Bambara
(langues du Mali et du Burkina Faso), je joue un peu le rôle d’une conteuse car
il y a plusieurs chansons que j’interprète qui ont une histoire et cela
passionne le publique. Ainsi, ils comprennent mon répertoire ».

 L’univers de ses œuvres est résolument africain. Mais dans un style métissé qui panache
d’abord des régions (Afrique de l’ouest, Afrique centrale et Afrique du Sud) et
diverses influences telles la rumba africaine, le soukouss, la pop, la funk, le
blues, la bossa-nova… Parmi ses œuvres les plus importantes, il faut retenir « Siriri
na dounia »,
un thème sur la paix dans le monde et la tolérance ; « Cobédaya
Rumba », un thème sur le cycle de la vie ; Kaluwo, qui est un hommage au
peuple Luo et aux pygmées de Centrafrique ; « Kamba ti bê ti mbi »,
qui est un thème sur l’amour dans un couple : de la genèse aux cheveux
grisonnants.

 Une chose que je n’ai jamais dite à Marlène c’est le fait que son père
ait sauvé ma tante d’une mort certaine. Son père était le fameux Docteur
N’Garo.

Notre Nation aurait peut-être son mot à dire à propos de cette artiste.
Mais la quête de la sortie du tunnel polarise notre pays. Des ombres
inquiétantes planent encore sur celui-ci, voilà pourquoi, il m’importait de
parler de cette Marlène-là. Celle qui créée nos artéfacts centrafricains, celle
qui fournie l’archéologie centrafricaine où la génération future pourra
assouvir en toute tranquillité ses besoins de racine.

Oui, Marlène est notre réassurance contre l’oubli.

À très bientôt. 

Stanislas Banda
Inji balé, Ocho balé
Uzu balé, ama balé