L’équipe des jeunes

Nguéréngou n’a pas de stade de foot. Cependant, un propriétaire terrien prête habituellement sa parcelle pour le besoin des rencontres de football entre anciens et jeunes.
L’équipe des anciens (AS Kangba)

À cette occasion, une foule s’amasse pour suivre l’évènement.


Le match est animé par des percussionnistes.


J’ai renoué avec mon natal tout en douceur. À Nguéréngou, tous les enfants m’appellent Ata-Yaka (Papy cultivateur).
J’ai aussi renoué avec une violence salutaire qui épargne de la naïveté. Je me suis « battu » pour reprendre ma place. Certains, pour le besoin d’exorciser leur démon (la France), m’appelaient le « français ». Pendant la finale de la coupe du monde au Quatar, je supportais la France qui jouait contre l’Argentine. Contre toute attente, le Centrafrique tout entier semblait se tenir derrière l’Argentine de Messi. Pourvu que la France perde. J’ai bien compris que pour les autres, je devais rester français pour servir d’épouvantail. J’ai beau expliqué que je préférais l’équipe de France où jouaient plusieurs originaires d’Afrique, rien n’y fait. Au dernier coup de sifflet, le pays a grondé de bonheur. Le Centrafrique venait de remporter son match contre la France. Pour ceux qui douteraient encore de la position centrafricaine, voilà le syndrome post-traumatique dont parlait Frantz Fanon, Ruben Um Nyobé et d’autres encore…

Est-ce que dans mes comportements, je représente encore cet espace colonial ? Mais peut-être que c’est tout simplement le processus de la reconstruction de la dignité africaine qui commence à voir le jour.
Je me réjouis que la « dé-tribalisation » de l’Afrique patine. Je constate seulement que l’Afrique réinvestit la résistance en se désaliénant. Le contexte ne permet pas encore un rapport de force favorable mais on y tend. Les mécanismes de l’impérialisme ne font plus recette devant la prise de conscience des peuples africains. Mais nos peuples doivent d’abord et dès à présent, faire tomber la compatibilité néocolonialiste de nos dirigeants.

Vivre en Europe, loin du natal, m’avait réduit à fonder mes opinions sur des conjectures. Je vivais mon identité africaine et tribale de façon individuelle. Dans nos communautés, le clan qui constituait notre point nodal, l’embryon de notre collectif a disparu. Beaucoup d’entre nous ont déposé les armes. Et voilà pourquoi nous ne pouvons plus produire de héros. Faute de croyants, nos dieux ont aussi capitulé.

La résilience trouve dans notre histoire sa pleine définition. Il n’y a personne à blâmer car nos stigmates sont les conséquences d’un traumatisme profond.
Je reviens d’Afrique où j’ai pu constater notre inactualité historique. Une dynamique d’incomplétude semble gangréner toutes nos obligations envers nos ancêtres. Nos morts n’ont pas de mémorial.
Je ne me contredis pas quand je parle d’inactualité historique. Il existe bien une dynamique de désaliénation mais qui n’est qu’à son frémissement.
Mais il est surtout navrant qu’on n’y soit pas tous pour le relèvement de notre pays et de notre continent.

J’ai vécu une expérience exaltante dans mon pays, dans l’arrière -capitale. Un pur bonheur. J’ai mangé bio à longueur de temps. J’ai appris à me passer du téléphone, de l’ordinateur et d’internet. J’ai redécouvert l’essentiel : l’humanité, la simplicité, le naturel mais surtout l’implication, l’appel du devoir.
J’avais emporté avec moi mes incontournables en musique jazz, classique, brésilienne, latino, indienne, flamenco, gypsy manouche, funk et autres… Et bien croyez-moi, je n’en ai pas eu ni le temps, ni le besoin.
Les servitudes aux nouvelles technologies sont devenues l’occupationnel de nos intellectuels. L’interconnexion mondiale les a fait se détourner de nos problèmes locaux. L’impérialisme occidental le sait, voilà pourquoi il nous fournit notre os quotidien à ronger. C’est ça l’occupationnel, un terme que j’ai croisé avec horreur il y a quelques années.
Nous ne pourrons jamais régler nos problèmes en vivant en ordre dispersé chez les autres.
Finissons avec du football :
À Nguéréngou, j’ai observé que les enfants aiment jouer au foot. Ils jouent où ils peuvent et avec des ballons de fortune.

Voilà pourquoi, j’ai décidé, avec leur accord, de les prendre en charge à travers plusieurs équipes dont une mixte. Je leur ai déjà fournis leur premier vrai ballon de foot.

Et à mon retour, je leur procurerai des chasubles.
À bientôt,
Stanislas Banda
Inji balé, Ocho balé
Uzu balé, ama balé
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