
Lors de mon récent voyage en Centrafrique, j’ai rencontré Mr David Gangué, Balafoniste, par le biais de mon neveu Christian Zoungao, lui-même émérite danseur et percussionniste traditionnel Centrafricain.
Mr Gangué, comme la plupart des artistes centrafricains, est frappé par la réalité économique. Contrairement aux autres, il n’a pas mis au clou son instrument. Il en parle tantôt comme une prolongation de lui-même, tantôt comme un compagnon de route. Son immense humilité m’a désarçonné. Il m’a accordé plus d’importance qu’il ne faut. C’est un soliste. Il a donc quelque chose à dire.
Je me suis présenté à lui en lui disant qui j’étais, d’où je venais… Lui a fait parler son instrument.
Avant de jouer, comme tout musicien, il règle son instrument. Il me joue d’abord une œuvre Yangba.
Il me dit « Bangui, c’est comme Paris, je suppose. En tant qu’artiste, quand tu rencontres la musique banda, tu l’apprends. Quand tu rencontres la musique Tali, tu l’apprends. Quand tu rencontres la musique Pana, tu l’apprends. »
Puis il me rejoue Takélépou, une pièce banda de Bambari. Il dit avoir pris son temps pour l’apprendre afin de la réjouer, lui qui n’est pas banda.
Il me joue une autre pièce qu’il nomme « le soumalé des Gbaya ». Il me dit exprimer des souffrances. Dixit : « Tu dois (dégammer), comme si tu as oublié la pièce pour que l’auditeur ressente la souffrance éprouvée pendant ta traversée de la brousse ».
Je lui ai dit, moi, ce que je pensais de la recherche personnelle, de la question de la réparation historique. Car pour moi, quelque chose s’est cassée qui justifie cette recherche archéologique de nos fondations. Que partager est un des autres aspects à prendre en compte. Car quand on voyage, la question « Qui êtes-vous ? », signifie « Qu’est-ce que tu m’offres ? ». La question est toujours posée dans la langue du pays hôte. Et quand la réponse est donnée dans cette même langue, l’hôte comprend aussitôt qu’il héberge un parasite. Et ton vis-à-vis se rend compte que tu n’as rien. Quand un français pose une question en français à un chinois. Celui-ci lui répond en chinois. Pour dire qu’il a aussi sa langue. La langue de ses anciens. L’américain pose une question en anglais américain à un arabe, celui-ci lui répond en arabe. Une question posée à un africain, celui-ci répond invariablement en Français… Nous avions médité un peu là-dessus.
Quand notre entretien est arrivé à son terme, il me demande de le raccompagner, lui jouant son balafon, comme le veut la tradition jusqu’au portail. J’étais plus qu’honoré.

Le balafon est un instrument de musique à percussion mélodique que l’on trouve essentiellement en Afrique centrale. Il possède un clavier agencé par plusieurs lames de bois. Pour obtenir ses notes, le musicien percute ces lames avec deux baguettes au bout enduit d’une espèce de goudron résineux. Son accordage se fait selon une échelle diatonique. Cette échelle est habituellement heptatonique parce qu’elle comporte sept degrés. En enlevant les deux demi-tons de cette gamme on obtient la gamme pentatonique utilisée par notre balafon. Le préfixe « Penta » signifie cinq. Cela veut dire que le musicien utilise une gamme de cinq notes. L’amplification se fait à l’aide de plusieurs procédés. Dans le cas présent, des cornes, de zébu ou d’autres bovidés, sont placées comme résonateur sous chaque lame afin de majorer le son.
Ramené par les esclaves africains en Amérique, on l’identifie sous le nom de Marimba, nom d’origine bantoue d’ailleurs. Il a aussi engendré le xylophone occidental.
J’ai compris à la fin le pourquoi de tant de courtoisie que Mr Gangué avait à mon égard. Loin de moi l’idée qu’il ne soit pas courtois : Il souhaite que je prenne la responsabilité de leur donner de la visibilité. Et je me dis, pour que des personnes avec autant de talent puissent attendre quelque chose de moi qui n’ai rien, c’est qu’il se joue ici un grand désarroi culturel.
Quand je l’ai appelé pour prendre de ses nouvelles, il m’a demandé de lui ramener un accordeur diatonique. L’idée farfelue que l’on a d’une soi-disant approche approximative du musicien traditionnel peut être enlevée au regard de cette demande.
À très bientôt.
Stanislas Banda
Inji balé, Ocho balé
Uzu balé, ama balé
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