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Jusqu’ici, je m’étais toujours tenu loin de la chose politique. Mais il se joue
aujourd’hui sur le continent africain une nouvelle partition. Le Centrafrique
semble se retrouver dans le viseur sournois d’une désintégration sourde.

Lors de mon récent séjour dans mon pays le Centrafrique, j’avais trouvé un
Centrafrique égrotant, sans polarité impulsive du fait d’une décennie de coups
de boutoir. Un Centrafrique égrotant mais en recherche de solutions à tous les
étages. Les récits que j’ai reçus du calvaire de notre peuple étaient
pétrifiants. À l’époque, je dénonçais l’attitude-badaud des forces
internationales sur notre territoire. Elles avaient fini par nous imposer de
nous mettre à table avec nos saigneurs, et mieux, de partager avec eux nos
pouvoirs régaliens. Et tout cela sous un regard international impassible.

Le peuple a commencé à y trouver une forme de normalité. Dans la belle société, on
parlerait plutôt de résilience.

Quand notre Président actuel accéda à sa haute fonction, j’avais juste dit, on jugera à
l’œuvre. Pour le second mandat, j’étais franchement dubitatif. Car pour moi, il
n’avait pas réussi ses épreuves régaliennes. Franchement avec le recul, je
crois que personne n’aurait pu mieux faire vu l’immensité de la tâche à accomplir.
Mais après tout, c’est le peuple qui choisit, surtout par le biais de la
démocratie. Une démarche des urnes, même imparfaite, qui semble dorénavant se
perpétuer dans notre pays ne peut être qu’à encourager. 

Pourtant, malgré mes doutes persistants sur notre gouvernance, à ma grande surprise, le
Président Touadera a engagé un partenariat avec la Russie. Du jour au lendemain
la menace qui semblait insoluble par la communauté internationale s’est, en
partie, résorbée. Lors de mon séjour, le sentiment de sérénité gagnée des
centrafricains, ceux de la Capitale, était bel et bien réel. Moi qui suis
antimilitariste par conviction, j’avais compris que le bien-être des miens
était à ce prix-là.

Même Ghandi envisageait la possibilité d’une violence légitime. Mais voilà, des
organisations internationales, sensées organiser la paix des peuples en palliant
l’insuffisance de certains, ce sont celles-là qui ont empêché une nation pauvre,
le Centrafrique, de se défendre.  Ainsi, les nôtres n’ont pu se défendre contre leurs envahisseurs.

Pire, ces derniers étaient de mieux en mieux équipés sur le théâtre des opérations.

Mandela disait que c’est toujours l’oppresseur qui détermine les formes de lutte.
Toutes ces grandes Nations qui nous conseillent l’immobilisme n’ont jamais
respecté ce conseil quand elles étaient elles-mêmes attaquées au cours de leur
histoire.

Malcom X aurait été sans détour. Car lui disait que tous les moyens sont bons pour
résoudre une violence dirigée vers nous.

 Comment pourrais-je, qualifier cette décision de notre Président Touadera ?
Téméraire, héroïque. Pourquoi ? Parce qu’il a fallu faire ce que nous
centrafricains nommons : « Fa touroungou ». C’est-à-dire
« couper le cordon ombilical ». Donc un acte de maturité et
d’indépendance contre un impérialisme occidental dans son habit des
organisations internationales. Je ne pensais pas assister un jour à un tel
évènement. Rien que pour cela, j’accorde du crédit au Président Touadera. Sa
deuxième décision est l’avènement de la monnaie virtuelle. Acte 2 du « Fa
touroungou ». C’est une hardiesse qu’il faut saluer. Car le centrafricain
a besoin de marcher enfin le menton haut, le torse bombé.

Je ne suis pas naïf de penser qu’il s’agit de LA SOLUTION. Mais cet acte du
SangoCoin est avant tout symbolique. C’est l’acte du « Moi je ». Si
pendant 60 ans, aucun système, aucune aide n’a fonctionné, nous sommes en droit
d’essayer autre chose. Si cela ne fonctionne pas, cela ne changera de toute
façon rien pour nous. Cela fait belle lurette que nous sommes au fond du trou.

Mais il est important de signifier de la gratitude à ceux qui prennent du risque
pour nous.

Je tiens aussi à préciser une chose, je ne suis pas politique. Je ne suis pas dans
la politique. Comme dirait un certain : « J’ai le privilège de ne
rien attendre et la chance de ne rien demander ».

Il semble, et c’est curieux, que le Centrafrique commence à manquer depuis peu du
minimum vital sous le prétexte du conflit Russo-Ukrainien. Nos enfants et nos
petits-enfants vont être mis à l’amende. Notre avenir est clairement visé dans
ce cas. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il s’agit d’un début de
représailles. Qu’il en soit ainsi. Au moins, notre nouvelle maturité émergente
nous désignera à coup sûr nos vrais et réels partenaires.

Il est peut-être venu ce temps des bâtisseurs que j’ai toujours imploré dans mes
vœux. J’en ai besoin pour revivre ma régionalité, mon ethnicité, ma tribalité
et ma clanité et surtout mon humanité.

Beaucoup d’entre nous ont peur de ces mots : Région, ethnie, tribu, clan. Et c’est
normal. Ces mots ne proviennent pas de nos propres langues. Pour le moment nous
faisons avec. Il viendra le jour d’une autre « redéfinition et ou
attribution ».

La dernière tournée africaine de Macron est la meilleure chose qui puisse arriver
aux africains : L’arrogance de Macron, symbole de cet impérialisme, a eu
raison de quiconque d’entre nous aurait encore une once de doute.

Il a mis à jour le comportement rampant de certains de nos gouvernants. J’ai noté l’absence
d’un port altier qui caractérise les peuples africains fiers. Un manque de
manifestation d’orgueil et de fierté chez nos présidents africains du Cameroun,
du Bénin et de la Guinée-Bissau. Une attitude de vassalité à vomir.

Nous aurions dû montrer à Macron que dans la savane africaine, une déférence
outrancière à l’égard du mâle Alpha est toujours de rigueur. À la place de
cela, nos responsables se sont pliés à un exercice très réussi d’auto-humiliation.
Dans une gymnastique de cordialité obséquieuse pour s’attirer la sympathie du
colon. Une pathétique flagornerie dont les peuples africains en feront et pour
longtemps encore les frais.

Ces présidents de l’Afrique sub-saharienne sont en pleine phase du syndrome de
Stockholm.

Nous y sommes ; en plein dans cette guerre de civilisations dont notre
correction éducative nous empêchait d’aborder. Nous constatons tous qu’aucun
peuple de l’Occident ne s’est levé pour manifester contre notre mise sous contention.

Et pourtant les facteurs réducteurs de nos civilisations ethniques suintent. Dorés
et déjà, je peux vous en citer quelques-uns contre lesquels nous nous battons
depuis : des républiques sous tutelle des relents de la traite des
esclaves, de la colonisation française, du terrorisme, de la pauvreté endogène…

Mais notre misère est bien la conséquence de notre obéissance forcée à l’ONU, au
diktat de la France, aux comportements licencieux des organisations africaines
sous la coupole de l’impérialisme occidental. Toutes traitent l’Afrique comme
un agneau sacrificiel que l’on sacrifie pour une faute qu’elle n’a pas commise.

Macron voulait se faire une notoriété à faible coût en allant parcourir le grenier
africain. Mais de ce que j’ai compris sur place en Centrafrique au niveau des
jeunes, une telle manifestation n’est que les signes avant-coureurs d’une
décadence annoncée. Macron n’a pas croisé les peuples africains. Sinon il aurait
compris que toute l’Afrique croit à la prééminence, à l’émergence de l’africain
nouveau. Les évènements que nous vivons, nous africains, contribuent à une
refondation nouvelle.

Aujourd’hui, une autre Afrique est en marche, Macron.

(En photo, notre champ familial de manioc en Centrafrique.)

À très bientôt. 

Stanislas Banda
Inji balé, Ocho balé
Uzu balé, ama balé